Dette publique, le jugement sans appel de la Cour des comptes

Publié le par Debout La République Pas-de-Calais

Par CHRISTOPHE ALIX

Des centaines d’auditeurs mobilisés, d’innombrables navettes de va-et-vient avec le gouvernement et les différentes administrations et, au final 250 pages, pour donner une photographie des finances de l’entreprise France au 31 mai 2012. Le très attendu rapport de la Cour des comptes commandé par le gouvernement pour se faire une idée plus précise de la situation laissée par la précédente majorité est dévoilé ce matin par son premier président Didier Migaud. Il est allé le remettre très solennellement à 8 heures au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avant de le rendre public à partir de 10 h 30.

Que dit ce rapport censé éclairer le gouvernement sur des décisions cruciales qu’il devra prendre pour tenir les objectifs de réduction du déficit public (4,4% en 2012 puis 3% en 2013) prises vis-à-vis de Bruxelles ? Revenant sur le bilan de l’année 2011, ce volumineux document fourmillant de chiffres et tableaux en tous genres note d’abord des résultats «incontestables» avec une réduction du déficit public de 7,1% à 5,2% et des engagements tenus par la France. Un premier gage de «crédibilité» vis-à-vis de l’Europe et des marchés financiers même si «le plus important reste à faire», note le rapport. La Cour apprécie ensuite la situation financière dans laquelle se trouve la France à mi-2012. Elle pointe en premier lieu les 1,2 à 2 milliards de dépenses non financées votées dans le budget 2012 en fin d’année : prime de Noël du RSA pour 450 millions d’euros, progression de carrière dans l’armée plus rapides que prévu pour 300 millions d’euros, bourses étudiantes et même primes des futurs médaillés olympiques).

Une hypothèse de croissance «trop optimiste»

Mais ces sous-budgétisations sont malheureusement monnaie courante selon la Cour des comptes, qui note ainsi que le précédent gouvernement ne laisse pas plus d’ardoises non financées en cette année électorale que les autres années. La Cour des comptes se montre en revanche bien plus sévère sur le volet des recettes attendues en 2012 et dont on sait déjà qu’elles seront bien moindres qu’anticipées au début 2012. La révision de la croissance à la baisse (0,4% en 2012 selon l’Insee et le gouvernement Ayrault qui l’a fait sienne hier au lieu des 0,7% attendus en début d’année) mais aussi une hypothèse «trop optimiste» sur «la relation entre le produit de l’impôt et la croissance» (ce que l’on appelle l'élasticité) imposent de prendre des mesures d’urgence si la France veut tenir son objectif de 4,5% - et même 4,4% - fin 2012. Un objectif qui apparaît cependant «tenable» avec les 8 milliards d’euros de hausses d’impôts pour les quatre derniers mois de 2012 que le gouvernement s’apprête à voter dans le collectif budgétaire lors de la session extraordinaire au Parlement. Cette réduction du déficit n’empêchera cependant pas la France de dépasser la barre des 90% de dette publique rapportée à son PIB à la fin de l’année et la Cour des comptes est très précise à ce sujet : tant que le déficit public ne sera pas revenu à 2,5%, la dette publique continuera à augmenter.

Des hausses d'impôts inévitables

L'épreuve de vérité que la Cour des comptes invite à ne surtout pas différer viendra donc l’an prochain. En se basant sur une estimation moyenne de croissance de 1% (au lieu de 1,7% prévu par le candidat Hollande), elle estime qu’il faudra faire pas moins de 33 milliards d’euros d'économies l’an prochain en les répartissant à égalité entre des hausses d’impôts et des baisses de dépenses. La potion est très rude. Côté recettes, la Cour suggère de s’attaquer en priorité aux niches fiscales mais s’inquiète de hausses d’impôts qui dégraderaient encore la compétitivité des entreprises. Elle considère qu’il ne sera pas possible d'éviter au final le relèvement d’impôts payés par tous les Français, et pas seulement les plus riches, comme la TVA et la CSG. Au chapitre dépenses, elle recommande une croissance «zéro volume» de la dépense publique, c’est-à-dire suivant seulement le rythme de l’inflation. Or le gouvernement prévoit une croissance de 1,1% par an en moyenne de la dépense publique sur l’ensemble du quinquennat. Des révisions cruelles en perspective pour l’exécutif.

La Cour des comptes se dit bien sûr consciente que ces mesures d'économies se payeront en termes de croissance – mais sans donner de chiffre –, mais considère que «la situation sera pire et les efforts encore plus douloureux» si on les reporte à plus tard. Elle considère que cet effort est tout à fait «atteignable» et met en garde contre un emballement de la dette qui continue de gonfler et le danger d’une remontée toujours possible des taux d’intérêt. Longtemps repoussé, le mur des finances publiques se profile pour 2013. La balle est maintenant définitivement dans le camp du nouveau gouvernement.

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Publié dans Gouvernement

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